Homélie de l’abbé Leo Palm pour le 4ème dimanche de l’Avent (Année C), le 20 décembre 2015
Le monde ancien s’en est allé !
Lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi !
Quelle merveilleuse rencontre : à peine enceinte, Marie se met en route rapidement pour visiter sa cousine Elisabeth qui attend aussi un enfant. Elle, si avancée en âge et qu’on appelait la femme stérile, elle est enceinte de six mois, car rien n’est impossible à Dieu. Cette rencontre entre la vieille Elisabeth et la jeune Marie nous permet d’assister à un événement-charnière : Le monde ancien s’en est allé, un nouveau monde est déjà né, dit un chant de l’Avent avec beaucoup de justesse. Oui, nous sommes témoins de la naissance d’un monde tout neuf : l’ancienne alliance cède le pas à la nouvelle, l’Ancien Testament est emporté et assumé dans le Nouveau.
Qu’est-ce qu’on nous dit de Zacharie et d’Elisabeth ? Saint Luc est très élogieux à leur égard. Tous deux étaient justes devant Dieu et ils suivaient les commandements et observances du Seigneur d’une manière irréprochable (Lc 1, 6). Pourtant, il y a une profonde déception, car cette justice, cette stricte observance ne débouche pas sur la fécondité : ils n’avaient pas d’enfant parce que Elisabeth était stérile. Et maintenant, il n’y a plus rien à espérer puisqu’ils étaient tous les deux avancés en âge. Cette déception humaine n’entame pas leur espérance et leur confiance en Dieu. À l’image de leurs ancêtres Abraham et Sara, ils espèrent contre toute espérance, ils croient et ils prient. Et le Seigneur leur répond, car un jour, alors qu’il est de service au temple, Zacharie est rejoint par l’ange Gabriel. Sois sans crainte, Zacharie, ta prière a été exaucée. Ta femme Elisabeth t’enfantera un fils et tu lui donneras le nom de Jean. Le nom de l’enfant est essentiel : Jean, en hébreu Jo-hannan, Dieu fait grâce. Là où la nature est incapable d’engendrer la vie, Dieu la donne, par pure grâce. Ou, pour le dire autrement, cet enfant n’est pas le fruit d’un vouloir humain, il est voulu par Dieu ! (cfr Jn 1, 14)
Mais il y a bien plus encore : l’ange annonce qu’il sera rempli d’Esprit Saint dès le sein maternel (Lc 1, 15). Et c’est exactement à cela que nous assistons dans l’Évangile de la Visitation. Alors qu’il est encore plongé dans le liquide amniotique, Jean est baptisé dans l’Esprit Saint et bondit d’allégresse dans le sein de sa mère. Jésus est un minuscule embryon dans le sein de Marie, il est à peine conçu du Saint Esprit que la force salvifique agit déjà. La vie de l’Esprit se propage et suscite joie et allégresse. Jean appartient déjà au monde nouveau : le monde de la grâce, le monde de l’Esprit. Il renaît déjà avant de naître ; il est né de l’eau et de l’Esprit avant d’être né de sa mère.
Le grand mystère du salut est à l’œuvre dès le moment où Jésus est conçu, et Jean en est le premier bénéficiaire, alors qu’il n’a pas encore poussé son premier cri. Ce grand mystère du salut s’accomplira sur la croix. Ici, deux hommes sont en fin de vie. Jésus, agonisant et mourant, sera en présence d’un larron qui agonise et meurt comme lui. Comme Zacharie, cet homme prie : Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume ! Sa prière est également exaucée : Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis. La justice avait condamné à mort ce larron qui était tout, sauf bon. Elle l’avait condamné à mort et le fait exécuter. Mais Jésus vient le gracier, Jésus vient le sauver. Poussant son dernier cri, il remet son Esprit pour que cet homme reçoive la vie (Lc 23, 39-46).
Depuis la première rencontre –celle avec Jean dans la maison de Zacharie– jusqu’à la dernière –celle avec le larron sur le Golgotha- la force qui nous sauve émane de Jésus. Il porte donc bien son nom : Jésus, Je-shua, Dieu sauve.
Oui, avec Zacharie, nous pouvons entonner son cantique d’action de grâce, son chant à la miséricorde du Père : Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, qui visite et rachète son peuple ; il a fait surgir la force qui nous sauve dans la maison de David, son serviteur… C’est un effet de la bonté profonde, de la miséricorde de notre Dieu… (Lc 1, 68s ; 78).
Le monde ancien s’en est allé, un nouveau monde est déjà né : il s’est levé le jour de Dieu qui transfigure terre et cieux.
Abbé Leo Palm,
Recteur du Sanctuaire de Banneux