« Terrien ! t’es rien ! »
Ce graffiti a été tagué sur un mur en Pierreuse à Liège. « Terrien, t’es rien ! » Est-ce que notre taggeur a voulu traduire en langage moderne la fameuse parole du livre de la Genèse que nous rappelle la liturgie du mercredi des cendres ? « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière ! » Si c’est le cas, il s’est trompé lourdement !
Oui, nous sommes poussière et nous retournerons en poussière ! Depuis que l’incinération se généralise et que beaucoup souhaitent la dispersion de leurs cendres, la conscience d’être poussière est bien plus réelle et palpable. « On est bien peu de chose ! » entend-on parfois. Mais celui qui prétend que nous ne sommes rien se trompe lourdement !
Car le créateur s’est penché sur la créature qu’il avait façonné de l’argile et lui a insufflé son souffle de vie. « Le Seigneur insuffla dans ses narines l’haleine de vie. Et l’homme devint un être vivant ! » (Gn 2, 7)
L’homme biblique s’émerveille : Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme que tu en prennes souci ? Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu, le couronnant de gloire et d’honneur ! (Ps 8) Qu’est-ce que le carême peut signifier pour nous à partir de cette découverte merveilleuse ?
Prier, jeûner et partager
Que signifie prier pour vous, Sœur Emmanuelle ? – Prier, c’est un cœur à cœur avec mon créateur ! C’est respirer à pleins poumons en sa présence. J’aspire tous les jours à la prière. Car j’y aspire Sa bonté, Sa tendresse, Son amour pour mes frères et sœurs ! Elle a dit ces belles paroles alors qu’elle avait 99 ans et qu’elle était en permanence reliée à une bonbonne d’oxygène ! On ne peut s’empêcher de penser au Psaume 142 : « Le souffle en moi s’épuise, mon cœur au fond de moi s’épouvante. Je me souviens des jours d’autrefois, je me redis toutes tes actions, sur l’œuvre de tes mains je médite. Je tends les mains vers toi, me voici devant toi comme une terre assoiffée. Vite, réponds-moi, Seigneur : je suis à bout de souffle ! » Sans prière, nous nous essoufflons !
Sœur Emmanuelle a aussi une belle pensée sur la mort, quand elle parle de sa prière : Quand j’expirerai (pour la dernière fois), j’expirerai vers lui et le Seigneur m’aspirera dans sa vie ! Et il me dira : Viens ma toute belle, viens dans mon jardin. Et je lui répondrai : Me voici, me voici, mon bien-aimé !
Jeûner ? Pourquoi jeûner ?
« Prenez bien soin de vous ! » Une petite formule qu’on entend souvent depuis quelques années. Soins de santé, soins corporels… et tant d’autres soins encore. Rares sont ceux qui nous disent de prendre soin de notre âme ! Gilbert Cesbron évoque le tourment d’un évêque : « Se sentir responsable de toutes ces âmes qui ne savent même plus qu’elles en sont ! » L’âme est un autre mot pour le souffle que le créateur nous a insufflé. Le carême nous exhorte à mieux nourrir notre âme. Nos âmes ont faim, nos âmes ont soif. « Mon âme a soif du Dieu vivant ! » (Ps. 42) « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de tout ce qui sort de la bouche de Dieu ! » (Dt 8, 3) Et qu’est ce qui vient de la bouche de Dieu ? Son Souffle et sa Parole ! Notre âme aime aspirer le Souffle divin. Elle veut se nourrir de sa Parole. Jean demande à l’Ange de lui donner le livre. L’Ange le lui tend en disant : Prends-le et mange-le. Il sera doux dans ta bouche et amer dans tes entrailles. (cfr. Ap 10, 9-11)
La Parole comme nourriture quotidienne ! Et les sacrements, bien sûr. « Je suis le Pain vivant descendu du ciel ! Prenez et mangez ! » Sans oublier les deux sacrements de la guérison, l’onction des malades (on y pense surtout quand nos corps sont malades) et la confession pour guérir l’âme. « Guéris mon âme, Seigneur, car j’ai péché contre toi. » (Ps 41, 5)
Nourrir et abreuver notre âme qui en a tellement besoin. N’est pas pour cela que la Vierge des Pauvres nous conduit à la source pour que nous y poussions les mains ? Prenons bien soin de notre âme.
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Je reviens encore une fois à Sœur Emmanuelle du Caire. Elle est allée dans les bidonvilles pour partager la vie des plus pauvres. Elle a carrément été vivre parmi eux. « Je n’avais rien à leur donner, si ce n’est mon amitié. » Ces gens passent leurs journées sur les décharges d’immondices. Et ils pourraient très vite avoir le sentiment que notre société les considère également comme des déchets. Notre pape François n’arrête pas de nous rappeler ce scandale. Sœur Emmanuelle a mis en pratique ce que le Père Eloi Leclerc dit à propos de l’évangélisation :
« Le Seigneur nous a envoyés évangéliser les hommes. Mais as-tu déjà réfléchi à ce
que c’est qu’évangéliser les hommes ? Evangéliser un homme, vois-tu, c’est lui
dire : Toi aussi, tu es aimé de Dieu dans le Seigneur Jésus. Et pas seulement le lui
dire, mais le penser réellement. Et pas seulement le penser, mais se comporter
avec cet homme de telle manière qu’il sente et découvre qu’il y a en lui quelque
chose de sauvé, quelque chose de plus grand et de plus noble que ce qu’il pensait,
et qu’il s’éveille ainsi à une nouvelle conscience de soi.
C’est cela, lui annoncer la Bonne Nouvelle.
Tu ne peux le faire qu’en lui offrant ton amitié. Une amitié réelle, désintéressée,
sans condescendance, faite de confiance et d’estime profondes ».
Le carême de partage auquel Entraide et Fraternité nous invite est donc bien plus qu’un soutien financier – un soutien généreux bien sûr ! Le carême de partage nous permet aussi de rencontrer des témoins invités par Entraide et de nous rendre compte des difficultés que beaucoup rencontrent au quotidien.
« Terrien, t’es rien ! » Grâce à Dieu, il n’en est rien. Le Dieu de la Bible vient nous rappeler avec force la grandeur et la dignité de chaque être humain ! Nous sommes les enfants bien-aimés du Père des cieux ! Alors, vivons en enfants de lumière !
Bon Carême !